28 septembre Notre attaque avance bien nous avons avancé de trois et cinq km dans les lignes ennemies. On se bat aujourd’hui dans Sommepy et nous sommes sur la voie ferrée de Sainte Marie à Py.
Voici le premier récit d’un combattant colonial anonyme du coté de la Dormoise sur Tahure.
26 septembre 1918 : Notre attaque débute à 5h35. Le brouillard est intense, on ne voit pas à 50 mètres, le 1er Bataillon sort en première vague et progresse malgré la résistance de l’ennemi et enlève son objectif. Le 4eme Bataillon auquel j’appartiens part relever le 1er, pendant une heure la ligne est stabilisée, notre tir d’artillerie inflige à l’ennemi un sérieux pilonnage. Le brouillard demeure aussi intense qu’au départ de l’attaque, à l’heure dite le Capitaine crie : « la liaison derrière moi, en avant » et nous courrons sur l’adversaire. Ce dernier lâche quelques rafales de mitrailleuse qui nous causent quelques pertes légères, le barrage roulant nous précède et nous voyons nos ennemis se rendre prisonnier.
Il est 8h 35, nous passons en première vague, nous marchons en file indienne dans un boyau qui nous mène vers le Nord sans essuyer un coup de feu. Vers 9h le brouillard commence à se dissiper, nous continuons à marcher sans jamais voir d’Allemands. Tout à coup le soleil perce la brume rendant encore plus angoissant notre solitude, on pourrait croire que la guerre est terminée tellement il règne un calme total autour de nous. Les canons et les fusils se sont tus, aussi loin que porte notre regard, nous ne voyons ni Français ni Allemands, malgré cela le Capitaine va de l’avant. Il est 9h40, nous voyons venir à nous un grand fantassin Allemand tout déséquipé, arrivé à portée de voix, il dit quelque chose, un camarade traduit : mon Capitaine, il vous fait dire qu’un Bataillon Allemand demande à se rendre, il se trouve au ravin de la Dormoise à environ 600 mètres d’ici. « Mes enfants combien sommes nous », nous dit le Capitaine, « 29 répond l’Aspirant, allons y et du cran », nous y arrivons vers10h sous un soleil splendide, 32 officiers nous attendent tous déséquipés. Notre officier d’un ton ferme leur demande où sont vos hommes !
Des ordres sont criés, aux entrées des diverses sapes creusées sur ce versant de la Dormoise et nous nous retrouvons en un rien de temps noyés parmi 730 hommes, ils se mettent en rang par quatre et partent vers l’arrière avec un Caporal et quatre soldats de chez nous. Sans notre insistance ils auraient volontiers laissé un de leur camarade blessé au pied assez sérieusement tant ils étaient pressés de quitter le champ de bataille.
Débarrassé de cette encombrante compagnie, nous poussons un « ouf » de soulagement. Beaucoup d’entre nous et moi le premier ont bien cru que les rôles allaient se trouver inversés.